Diabète et sexualité chez la femme 🔁💘

Décembre 2023, Dr S. Audali, journaliste scientifique

 

Les médecins ont étudié les liens entre diabète et troubles sexuels chez les hommes depuis longtemps. Mais depuis les années 2000, les diabétologues, les sexologues et les médecins généralistes mettent le doigt sur une présence de troubles sexuels féminins (TSF) plus fréquente en cas de diabète que dans la population générale. Dans le diabète de type 1 par exemple, on considère qu’un tiers des femmes atteintes présentent un trouble de la sexualité.1 Cependant, la multiplicité des facteurs pouvant être liés à ces troubles, de la glycémie elle-même à la présence de facteurs de risque, de divers traitements, et de nombreux facteurs psychologiques, ne permet pas de donner des chiffres de prévalence précis. Ce qui est certain par contre, c’est que ces troubles sont souvent réversibles, et qu’il est important de les aborder avec les soignants autant qu’avec son partenaire afin de les prendre en charge pour le bien-être des individus et des couples impactés par le diabète.

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De quoi parle-t-on ?

La dysfonction sexuelle féminine est définie dans la classification internationale des troubles comme « une incapacité pour la femme de vivre sa sexualité comme elle le voudrait. » Ce trouble de la sexualité est le résultat d’une combinaison hétérogène de problèmes divers qui aboutit à une chute du désir et/ou une incapacité de plaisir sexuel.2

Les signes peuvent donc concerner les 3 phases du cycle sexuel :

  • la phase de désir: marquée par un manque de motivation pour l’activité sexuelle avec la perte de l’initier ou d’y participer,
  • la phase d’excitation : marquée par des problèmes de lubrification ou de douleur par exemple,
  • la phase de l’orgasme : qui peut être perturbée en fréquence, en intensité et en durée. 

Pour être considérés comme des symptômes de dysfonction sexuelle chez la diabétique, il faut que ces signes perdurent pendant au moins 6 mois. 

Les causes possibles

Elles sont multiples, et souvent présentes de manière concomitante. On distingue ainsi par exemple :

  • Les hyperglycémies, qui augmentent entre autres le risque de complications microvasculaires et neurologiques au niveau de la vulve, du vagin, du clitoris, etc., diminuant ainsi la vascularisation, la sensibilité et les sensations.
  • Les infections (mycoses) génitales.
  • La sexualité peut aussi être influencée par le contexte médical (maladie aiguë, traitements, etc.). Voilà pourquoi il est recommandé de fournir à votre médecin la liste complète de vos médicaments. 
  • Les nombreux facteurs psychologiques : tels que l’image du corps, la peur de l’hypoglycémie pendant l’acte sexuel ; la dépression, le stress et l’anxiété, mais aussi les traumatismes éventuels antérieurs, les expériences passées déplaisantes, etc.

Quoiqu’il en soit, chez la femme comme chez l'homme, la dysfonction sexuelle peut avoir des conséquences sur la qualité de vie, en impactant l'estime de soi et la qualité des relations de couple. 

Différence hommes/femmes : insuline et cycle menstruel 

Des chercheurs de l'Université de Tübingen en Allemagne ont découvert que les femmes deviennent plus sensibles aux effets de l'insuline pendant la phase folliculaire* du cycle menstruel et moins sensibles pendant la phase lutéale**.3 Ils expliquent « L'insuline est vitale pour le système reproducteur féminin, où elle joue un rôle clé dans la prolifération de l'endomètre et la maturation folliculaire avant l'ovulation. Une sensibilité accrue à l’insuline pendant la phase folliculaire du cycle menstruel se produit donc probablement en raison des demandes énergétiques élevées de l’endomètre en croissance, qui pourraient être coordonnées par le cerveau. En revanche, une sensibilité réduite à l’insuline pendant la phase lutéale pourrait favoriser le stockage d’énergie dans les tissus adipeux. Ce changement cyclique dans le stockage d'énergie modulé par le cerveau pourrait être l'un des contributeurs aux différences bien connues entre les sexes dans la répartition de la graisse corporelle. »
Il n’y a donc pas que les hormones sexuelles qui sont impactées par le cycle menstruel de la femmes… Intéressant, non ?

TSF : Que faire ? Comment réagir ?

Les médecins et soignants n’abordent pas toujours facilement le sujet des troubles de la sexualité avec leurs patientes. Il faut dire que la dimension psychologique du problème, ainsi que son caractère tabou pour la patiente elle-même ne facilitent pas les choses…
Une chose est certaine, il convient de parler de ses problèmes avec son partenaire et un soignant avec lequel vous vous sentez en confiance si vous voulez que la situation évolue.
La prise en charge des TSF est multifactorielle. Elle consiste souvent en une prise en charge psychologique avec le suivi par un spécialiste sexologue, la mise en place d’un espace de parole, un accompagnement spécialisé en cas de dépression ou d’anxiété et la nécessité d’un travail sur le couple car la solution réside aussi dans le style de vie du couple.
De plus, la recherche de paramètres favorisant les TSF est conseillée parce qu’il faudra tenter de les circonscrire : un meilleur équilibre du diabète, la lutte contre l’obésité, arrêter de fumer, éviter les abus d’alcool, la lutte contre la sédentarité, contre les troubles du sommeil, en sont de bons exemples.
La méthode PLISSIT (de l’anglais Permission, Limited Information, Specific Suggestions, and Intensive Therapy) est une méthode de prise en charge intensive qui permet d’offrir aux patientes diabétiques, un endroit sûr pour exprimer leurs sentiments, explorer les solutions avec leurs partenaires en se référant à une équipe multidisciplinaire comportant un diabétologue avec un référent nutritionniste, un rééducateur sportif, un urologue, un gynécologue et un psychiatre et/ou un psychologue.4

E-book: L'intimité et les relations

Le fait de vivre avec une maladie chronique, quelle qu’elle soit, peut parfois s’avérer difficile. Nous allons donc nous intéresser à la manière dont vous pouvez jongler au mieux entre le diabète et tout ce qui a trait aux relations importantes dans votre vie.

Lexique:

  • *Phase folliculaire: Phase du cycle menstruel avant l’ovulation (des règles jusqu’à l’ovulation).
  • **phase lutéale : Phase du cycle menstruel qui suit l’ovulation (de l’ovulation jusqu’aux règles).

 

Références & décharges de responsabilité

Les données et les images sont données à titre d'illustration. Il ne s'agit pas de vrais données, patients ou professionnels de la santé.

  1. Enzlin, P. et al. (2003) Prevalence and Predictors of Sexual Dysfunction in Patients With Type 1 Diabetes. Diabetes Care, 26(2), 409–414. https://doi.org/10.2337/diacare.26.2.409
  2. American Psychiatric Association. (2013) Diagnostic and statistical manual of mental health disorders. 5th ed. Arlington: American Psychiatric Association.
  3. Hummel, J. et al. (2023) Brain insulin action on peripheral insulin sensitivity in women depends on menstrual cycle phase. Nat Metab 5, 1475–1482.
  4. Rutte, A. et al. (2015) Effectiveness of a PLISSIT model intervention in patients with type 2 diabetes mellitus in primary care: design of a cluster-randomised controlled trial, BMC Primary Care; Vol. 16; iss. 1; pp. 

Sources:

 

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